La commande et le cahier des charges

Des habitants de Mulhouse, Manuel Poultier, clarinettiste de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, Kemal Ilhan, ingénieur du son, Philippe Schweyer, rédacteur en chef de la revue NOVO, Khalid Berkat, animateur, échangent pour créer un projet artistique autour de la joie de vivre dans la Ville de Mulhouse.

Réunis par Jean-Damien Collin, habitant de Mulhouse et membre du Comité Culture, ils font appel à La Fondation de France. Son dispositif novateur Les nouveaux commanditaires permet à des citoyens, à partir d’un constat et d’un besoin, de créer une œuvre artistique.

Les commanditaires font état d’un enjeu autour de la fierté qui ressort de l’apport d’un processus migratoire à la ville de Mulhouse suffisamment long et diversifié pour être attesté par les historiens. Cette allusion à la fierté s’établit d’abord sur un plan négatif, honte de soi, honte d’une ville qui n’accueille pas et ne met pas en valeur ce qui devrait l’être, honte aussi d’un passé folklorique dont les accointances avec l’histoire encore récente de la Seconde Guerre mondiale salissent ceux qui aimeraient se le réapproprier. Par conséquent se dessine la volonté de contrecarrer cette honte intériorisée et de porter haut et fort cette histoire migratoire. Cette fierté se lit dans sa dimension politique et sociale : il s’agit autant pour les commanditaires de promouvoir à l’échelle de la nation, voire du monde, une « riche » histoire, que d’installer un climat d’écoute et de rencontre sur le territoire mulhousien. La nécessité d’une commande autour de ces questions est vécue comme une prise de conscience nécessaire.

Au cours de la construction collective du cahier des charges, les commanditaires ont substitué la notion de joie à celle de fierté : joie de vivre dans la ville de Mulhouse. L’œuvre peut être sur support audio et/ou interprétée par un orchestre, peu importe, à partir du moment où elle répond aux critères suivants :

 

  • Elle doit mettre en scène la notion de joie telle que définie plus haut.
  • L’œuvre doit pouvoir être jouée ou diffusée à l’extérieur de Mulhouse.
  • Si l’œuvre se doit de pouvoir être interprétée par d’autres à l’extérieur de Mulhouse, elle doit avant tout être travaillée et appropriée par les Mulhousien.n.e.s.
  • L’œuvre travaillera la notion « d’hymnodie » en développant l’idée d’une diversité à partir d’un même « motif » : si tous les Mulhousiens doivent pouvoir chanter à un moment donné tous la même chose, l’œuvre doit aussi faire la place à d’autres récits.
  • Tous les mulhousien.n.e.s doivent avoir accès à l’œuvre d’une manière ou d’une autre.

C’est une suite électro-orchestrale. Mulhouse est une ville électro. C’est une ville qui nous parle d’anciennes filatures, une ville qui vit dans le fantôme de la ville industrielle, avec la patine d’une gloire passée, et puis c’est l’histoire que je me raconte moi, alors je me suis dit il va y avoir quelque chose dans cette musique qui sera de l’ordre du métal ou du synthétique, du “vintage”, c’est aussi se rappeler de sons qui existaient, qui étaient en vogue et qui n’existent plus, mais auxquels on redonne vie.

Jonathan Pontier

Compositeur